Le Soir Magazine
L’étrange voyance d’Esméralda
« Le paranormal, c’est du normal qui n’est pas encore expliqué », dit la voyante.
Une bougie, des cartes, et l’aventure paranormale commence dans le petit bureau de la voyante d’Aywaille, Esméralda Bernard
Elle allume une bougie et aligne sur le petit bureau de bois des cartes de tarot usées par mille et une manipulations. Esméralda commence à parler. Durant une dizaine de minutes, elle dit les images qui la traversent, les odeurs qu’elle sent, les bruits qu’elle entend, les sensations qu’elle éprouve et les informations que les cartes lui transmettent. Puis elle s’interrompt et s’enquiert de savoir si ses propos sont exacts, si vous voulez qu’elle poursuive. Vous refusez, et vous voilà reparti sans avoir payé les 55 euros que coûte une séance de voyance. « Il m’arrive de ne pas sentir une personne ». dit Esméralda Bernard. « A peu près une fois par semaine, je demande à la personne qui vient me voir de repartir parce que ce que je dis ne s’avère pas pertinent. »
Par contre, si le contact s’est bien établi, et si vous désirez poursuivre l’entretien, vous voilà embarqué pour une heure, une heure et demie d’aventure paranormale. Et les surprises ne manquent pas… Elles sont loin d’être spectaculaires ; point de mise en scène, de musique ou de lumière étranges, point de grisgris ou de foulard de madame Irma, point de transe non plus, ni d’yeux révulsés ou de voix d’outre tombe, m ais une jeune femme blonde de 43 ans en chemisier blanc et pantalon noir, qui parle posément et de façon imagée. Si ses paroles ne sont pas précises, si elles nécessitent une certaine interprétation personnelle, elles semblent, en ce vendredi de décembre, d’ une incompréhensible pertinence. Esméralda Bernard put percevoir le trouble de santé d’ un membre de la famille, un changement de vie, des décisions professionnelles déjà prises ; elle put décrire le tempérament d’ un proche, comme si elle le connaissait depuis toujours, sans qu’aucune parole ne vint infirmer ou confirmer ses « visions ». Tout ne fut pas exact, loin de là. Elle se trompa parfois, dit des généralités aussi, mais, à plusieurs reprises, les propos de la voyante furent subjectivement, reliés à des faits de vie précis sans que ceux-ci ne soient explicitement nommés, décrits et détaillés ? Des paroles furent perçues comme exactes sans que leur flou, leur caractère général ou leur composante imaginée ne puissent expliquer cela. Il n’en reste pas moins que, rationnellement, les perceptions de la jeune femme restent incompréhensibles. « Moi non plus, je ne comprends pas ce qui se passe », dit la voyante d’Aywaille. « Et je suis prête à collaborer avec des scientifiques pour qu’ils puissent expliquer le don que j’ai. Je pense d’ailleurs qu’un jour, la science parviendra à expliciter le paranormal. Aujourd’hui, pour l’éclairer, je dirais que tout le monde a une parcelle de voyance : l’intuition. »
Recherches scientifiques
De nombreux scientifiques se sont déjà penchés sur les phénomènes paranormaux. La télépathie, par exemple, a été positivement expérimentée en laboratoire puisque, dès 1927, les recherches de Joseph Banks Rhine, à l’université de Duke, aux Etats-Unis, mirent au point le test de Zener basé sur un jeu de 25 cartes présentant 5 symboles simples, une étoile, une croix, un cercle, un carré et 3 lignes en noir et blanc. Une personne tire une carte, focalise sa pensée sur son destin et une autre personne, installée à distance doit identifier le dessin que voit la première. Répétée des milliers de fois pour éviter le hasard, le test de Zener donna des Résultats qui dépassèrent le seuil de réussite que l’on peut accorder au simple hasard ou aux coïncidences. Comme le relate Michel Blanc dans l’encyclopédie Universalis, Rhine fit avec un de ses étudiants une expérience des plus concluantes puisque sur 1850 tirages successifs, H.E. pearce parvint à dire 558 fois quelle carte avait tirée alors que la probabilité pour que le résultat soit dû au hasard est de 10-22.Mais ces résultats n’empêchent pas une totale incompréhension de leur fonctionnement. De multiples explications ont été avancées : implication des couches inconscientes du psychisme, vibrations, mouvements de particules atomiques, dialogues cellulaires, ondes électromagnétiques, etc. Mais, sans qu’aucune ne soit convaincante, condamnant dès lors la télépathie à rester un phénomène illusoire et imaginaire. Un des plus important obstacles à l’étude du paranormal en général et de la voyance en particulier, c’est son caractère non reproductible. Une séance de voyance est directement dépendante du contact qui se crée entre la voyante et la personne qui la consulte. De plus, il a été observé qu’une personne sceptique influence négativement le déroulement d’une expérience extra – sensorielle. Non reproductible, dépendante de l’attitude des personnes qui participent ou observent l’expérience, elle est non scientifique et, par conséquent, n’est pas acceptée dans nos sociétés marquées par le rationalisme. La séance de voyance chez Esméralda n’en reste pas moins troublante…
Joëlle Smets
Esméralda, une voyante atypique
Elle reçoit quatre fois par jour et pas davantage : « pour pouvoir se retrouver et ne pas passer ses journées dans la vie des autres ». Elle demande 55 euros par séance, et vous renvoie si le début ne se révèle pas fructueux. Elle ne participe à aucun salon de la voyance « car il y est impossible de faire du bon travail. » Elle refuse de recevoir ses amis ou sa famille car elle sait trop de choses sur eux. Elle veut comprendre ce qui se passe quand elle est traversée par ses « visions ». Elle ne fait pas de publicité, ni ne promet de retour d’affection. Décidément, Esméralda Bernard n’est pas une voyante comme les autres. Et c’est cette différence qui la fait mener son combat contre toutes les voyantes qu’elle considère comme charlatans. Il y a 7 ans, la jeune femme fondait Delta Blanc Belgique, une association désireuse de promouvoir une éthique dans la pratique des arts divinatoires. Ainsi, les praticiens qui adhèrent à l’association (une dizaine sur la centaine qui ont demandé à y entrer) sont reçus s’ils respectent les 5 articles déontologiques suivants : conserver le secret professionnel, s’entretenir directement et physiquement avec son client (pas de voyance par téléphone, internet…),communiquer ses tarifs à l’association et annoncer le prix au client, lors de la prise de rendez-vous, ne pas prendre plus de 5 rendez-vous par jour, et dernier point, ne pas faire de publicité tapageuse ou mensongère. Outre ces 5 points, il est aussi un engagement éthique pour toute personne s’affiliant à Delta Blanc : combattre le fatalisme et faire naître le sens de la responsabilité chez le consultant, orienter vers d’autres disciplines si survient un problème non résolu, s’interdire tout diagnostic réducteur sur l’avenir, respecter les conventions politiques, religieuses ou morales, ne pas appartenir à une secte…
Joëlle Smets