L »Événement

Et si le paranormal c’était du normal pas encore expliqué…

Esméralda Bernard, voyante de profession, habite Aywaille à la porte des Ardennes belges. Dans l’appartement où elle vit et reçoit ses consultants, pas de chouette en vue, ni de boule de cristal. Sur la table, deux jeux de tarots déposés à côté d’une photo de sa grand-mère maternelle qui était médium…
Lui aurait-elle transmis son don ? C’est en effet, peu après le décès de son aïeule, en 1981, qu’Esméralda- c’est son vrai prénom ! -A ses premières prémonitions. A ses yeux, la voyance n’a rien de surnaturel. Au contraire, c’est une faculté naturelle, un mode de connaissance et de sensibilité perçu différemment. Quelque chose d’impalpable qui dépasse notre compréhension actuelle. « il y a à peine 300 ans, on m’aurait brûlée …Dans 100 ans, une partie de ces phénomènes sera expliquée et même utilisée. Moi, je me trouve entre deux époques et ce n’est pas facile à vivre. » D’autant qu’il y a beaucoup d’escroqueries à la divination. Certains champions de l’arnaque se servent de leur pouvoir de manipulation pour en faire un business honteux. C’est pour contrer ces pratiques nuisibles qu’Esméralda a créé, en Belgique, en 1996, le pendant belge du Delta Blanc, animé en France par la voyante Maud Kristen, dans le souci du respect d’un code de déontologie et le désir de sortir les arts divinatoires de l’obscurantisme.

Esméralda Bernard, comment êtes-vous devenue voyante ?

Chez moi, cette faculté s’est déclenchée brutalement. Presque du jour au lendemain, je n’ai plus « fonctionné » de la même manière. Je voyais, sentais ou entendais des informations concernant la vie de certaines personnes que je rencontrais. Comme si « j’entrais » dans leur vie sans y être invitée. Cette

Faculté, j’ai dû apprendre à la gérer. Aujourd’hui, j’oublie les trois quarts de mes prédictions. J’ai développé une amnésie protectrice. J’ai surtout compris et accepté les limites de la voyance, et appris à mieux la contrôler. Maintenant, je peu faire du shopping au supermarché, sans « voir » que la dame qui me précède à la caisse s’est disputée le matin avec son patron.

N’y a-t-il pas beaucoup de « trucs » pour favoriser le travail d’une voyante, des phrases du style « je vois une personne qui vous perturbe » ou « un voyage à l’étranger vous fera du bien » pour ouvrir la porte à ces confidences qui, en extrapolant avec un peu de psychologie, permettent de « voir » le passé ou le futur du consultant…

Il y a voyance et voyance. Personnellement, je demande au consultant de se taire. Cela me permet de savoir si je le capte bien. Mais certaines situations ont déjà été vécues ou sont à vivre. Pour me situer dans son vécu, j’exprime alors des affirmations interrogatives. J’ai besoin que la personne me confirme si je vois juste. Après 10 minutes, si ce n’est « pas correct », on ne poursuit pas la séance. Et je ne demande pas d’honoraires. La voyance « pure » ne tient aucun compte des heures de bureau. Comme un romancier peut être à court d’idées, la voyante peut subir une panne de perception. C’est une faculté capricieuse. Les réussites fréquentes n’empêchent pas l’échec. Raison pour laquelle il est indispensable et prudent de faire un test par lequel je vérifie immédiatement si oui ou non je capte correctement la personne. Imaginez que je dise à une mère de famille mariée que je la vois célibataire aux côtés d’un petit chat. Cela n’aurait aucun sens. Poursuivre serait inutile. Par ailleurs, la voyance n’est pas reproductible à souhait. C’est ce qui la rend si difficile à étudier sur le plan scientifique. Un jour, une rationaliste a dit à André Malraux, intéressé par les phénomènes parapsychologiques, « Je ne crois ni au spiritisme, ni à la voyance, ni à la parapsychologie, car il est impossible de renouveler les phénomènes et expériences à volonté». Malraux répondit : « Les artistes non plus ne contrôlent pas leur don… . Et il ajouta cette phrase de Victor Hugo : « C’est bien moi qui ait écrit Olympia, mais je ne l’écris pas tous les matins ». Tout comme l’intuition, la voyance est spontanée. Ceci dit, il y a des techniques de respiration et de méditation qui peuvent favoriser l’état de perception. Personnellement, je vais me prêter à des expériences en laboratoire. Pour que l’on parle de la voyance d’une façon plus objective, Pour sortir de l’image « Madame Irma ».

Quand le voyant est, un peu comme le paysan de votre histoire, celui qui indique, entre deux routes entre lesquelles on hésite, celle qui lui apparaît comme la meilleure, pourquoi pas… Sa subjectivité vaut celle d’un autre. Son intervention peut sans doute être bénéfique pour redonner de l’espoir à celui qui est dans la dèche. Mais pourquoi annoncer la mort ? A une jeune femme qui demandait si elle aurait des enfants, un voyant a répondu « oui, un » et après hésitation il a ajouté « mais vous le perdrez ». A 35 ans, elle a eu une fille. Depuis sa naissance, elle vit dans l’angoisse de cette mort annoncée.

N’est-ce pas scandaleux ?

Bien sûr. Dire le meilleur, c’est facile. La voyance doit être utile. Annoncer un décès n’a rien de constructif. Sauf s’il s’agit de préparer une personne à accompagner à s’en aller un proche gravement malade. Pour lui donner encore plus d’amour avant son départ et mieux accepter la séparation qui s’annonce. En voyance, la frontière entre passé et présent n’existe plus. Les images sont « hors du temps », il est dangereux de s’aventurer à donner des périodes précises. Mais insister sur le fait qu’un parent âgé pourrait disparaître, c’est apprendre à se préparer à ce manque et rappeler qu’il y a peut-être des choses importantes à se dire. Pendant une séance de voyance, j’avais vu le fils de la consultante faire un bond au-dessus de sa moto. Je lui ai dit « Votre fils va prendre une pelle ». Un mois plus tard, il se tuait en moto. La personne m’en a voulu. Pour elle, j’étais la responsable, j’aurais pu l’éviter. Mais je ne savais pas l’impact de cette chute. Il aurait pu s’en sortir avec un pied cassé. Je serais inconsciente et intellectuellement criminelle si j’annonçais à une mère la mort de son enfant. Tout d’abord, le risque d’erreur existe. Ensuite, je serais sans doute incapable de situer l’événement dans le temps. Qui peut m’affirmer que cette prédiction changerait le cours du destin ? Etre averti de choses sur lesquelles on peut agir, c’est constructif. Mais pas n’importe quoi, ni n’importe comment.

Un voyant ne devrait-il pas se limiter à n’annoncer que des choses positives ?

Une séance de voyance doit rester constructive, même si le message délivré peut-être difficile à vivre. Au fil des ans, je me suis rendu compte que j’étais parfois capable de « sentir » des points et des zones fragiles. Je n’ai pas la prétention de soigner. Il ne me viendrait même pas à l’esprit de prescrire un remède. Mon rôle s’arrête là où celui du médecin commence. Mais il faut admettre que les facultés extrasensorielles permettent de ressentir un problème qui touche à la santé. Dans ce domaine, comme dans les autres, il ne faut jamais mentir, mais toujours terminer sur du positif. Il y a une manière de dire les choses. Tous les praticiens qui adhèrent à l’association Delta Blanc ont eu un entretient avec un psychologue-conseil. Consulter ne veut pas dire renoncer. Au contraire, en étant éclairé, on peut modifier les conséquences et gagner du temps. Quand on connaît les choses, on peut agir. Dans la vie, je ne crois pas au hasard. Je pense qu’il n’y a que des rendez-vous avec le destin. Le consultant vient vers moi en confiance. Cette confiance, je dois m’en montrer digne. Ne pas tricher. Ainsi, si l’entreprise qui vous emploie va fermer ses portes, j’estime que je dois vous en prévenir. La voyance permet de quitter le navire au bon moment, avant le naufrage. C’est ainsi que je perçois la façon d’utiliser une prédiction. Il y a une façon de dire les choses. J’appelle cela l’intelligence du cœur. Mon but est d’aider la personne qui me consulte pour qu’elle évolue. Si elle revient me voir pour le même problème, c’est que je ne lui apporte rien. Il m’arrive de rencontrer des personnes pour lesquelles je ne puis rien faire. Je les dirige alors vers un thérapeute ou vers une autre discipline appropriée.

Notre avenir serait-il inscrit comme sur une bande magnétique. Sommes-nous prédestinés ? Où est notre libre arbitre ?

Une partie, oui. Mais pas tout. A quoi servirait de consulter une voyante si l’on ne pouvait jamais rien changer à son destin ? Le fait de connaître un événement permet de mieux l’aborder. Si l’on vous dit « votre société fera faillite dans deux ans », cela vous permet de construire progressivement une alternative professionnelle. Il en va de même pour mes prédictions. Lorsqu’elles sont inscrites comme réalisables, C’est à vous de les mettre en action. Sans cela, rien ne se passera. J’avais dit à Paul que je voyais un emploi se dessiner pour lui dans le domaine des chiffres. L’année suivante, toujours au chômage, il revient me consulter. Rien n’a changé dans sa vie. « Rien ne s’est présenté ? » « Si. Je pouvais être engagé comme employé au service de facturation de mon beau-frère. Mais j’ai refusé, car c’était trop loin de mon domicile. » J’avais bien capté la possibilité. Un train s’arrête. On est toujours libre de le prendre ou de le laisser partir…

Les prédictions géopolitiques, les voyances mondiales ne sont pas vraiment votre préoccupation. Pourtant dans votre livre, vous racontez que depuis trois ans vous voyez en rêve des scènes qui vous effraient. Comme si la terre était noyée et éventrée à la fois. Vous dites avoir vu des villes détruites, un fanatisme religieux délirant. Rien de réjouissant…

Mais j’ai vu aussi, dans un demi-sommeil, des gens en blanc, tenant en main des milliers de petites bougies. Deux courants. D’une part, le danger qu’il faudra affronter et de l’autre, une renaissance authentique avec une société qui développera la raison et le spirituel. Tout est encore possible. Un éveil général peut nous sauver. J’appelle cela l’Espoir. Nous sortons se siècles de matérialisme durant lesquels on nous a persuadés que nous vivions selon des codes binaires. C’était blanc ou noir, masculin ou féminin, raison ou intuition, cartésien…ou rien. Or, la raison ne peut répondre à tout. La science devait apporter le progrès, le bonheur, et voilà prise dans un tourbillon technologique. L’homme analyse, raisonne, gagne en logique mais perd en bon sens. Il part à la conquête de l’espace…alors qu’il ne connaît pas encore la Terre. Pire, il l’endommage à grands coups de pollution. Pensez à la maladie de la vache folle, aux hormones dans le veau, aux porcs nourris avec des aliments transgéniques … L’homme a voulu emprisonner la nature et mettre la vie en équation. Les changements que nous vivons ne nous permettent plus de faire marche arrière. C’est là qu’une éthique et une prise de conscience auront grand intérêt. Notre société nous échappe, elle est malade. Quand l’humanité sera complètement en danger, alors elle prendra possession des connaissances cachées pour sauver la Terre. La sauver en réconciliant l’intuition et la raison sera l’enjeu du 3ième millénaire.

Le livre « Les yeux de votre destin » qu’Esméralda Bernard vient de publier chez Grancher aurait pu être sous-titré : « Réponses intelligentes à toutes les questions que vous vous posez concernant la voyance ». Elle y explique, notamment son drôle de métier, l’influence des rêves,les risques d’erreurs, qui consulte et pourquoi, comment éviter les pièges de certains charlatans, où en sont les recherches scientifiques, et pose la question « Sommes nous tous voyants ? » Et si c’était un don que chacun pourrait développer ? En lisant l’ouvrage, au style vif étayé de nombreux témoignages, on est de plus en plus convaincu que le paranormal, c’est du normal pas encore expliqué.

Un homme du XVIII è siècle nous surprenant en communication grâce à un GSM crierait à la sorcellerie. Ce qui ne s’explique pas en 2002 n’est pas forcément un leurre destiné aux crédules…

Violaine Muûls



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